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Une croix sur l’enfance en Vendée de Jean-Pierre Sautreau

Enfances au séminaire. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Jean-Yves Urien

À l’occasion de la récente publication qui figure en titre, je vous en propose en introduction une bibliographie sommaire des textes portant sur les petits-séminaires catholiques français.

Certaines publications proposent l’histoire des bâtiments, des institutions et des dirigeants de ces petits-séminaires. Le modèle ancien et érudit semble celui du Révérend-Père Yves Chaille (1955) : Histoire du petit-séminaire de Chavagnes-en-Paillers (Vendée). L’ouvrage est en libre lecture (.pdf) sur la Toile à l’adresse suivante » :

http://montaiguvendee.fr/cms/uploads/pdf/39%20communes/Chavagnes-en-P/Ch-en-P%20histoire%20du%20seminaire.pdf.

Patrimoine oblige, toute ville qui a accueilli un petit-séminaire en rend compte aujourd’hui dans sa présentation touristique, notamment sur la Toile. On trouvera aussi une monographie de quelques pages pour chacun des petits-séminaires de l’Ouest dans le Dictionnaire des lycées catholiques de Bretagne, Yann Celton et collègues, 2018, Les P.U.R. Cela dit, la parole des « séminaristes » en est à peu près absente.

Or ce sont bien eux qui constituent « la chair à chaire ». Tout l’intérêt de l’ouvrage récent d’Yves Moigno sur Quintin a été de rendre leur humanité à l’ensemble des acteurs de cette sorte de distillerie spirituelle d’un cru si particulier. D’autres ouvrages sont connus qui traitent de nos camarades. Ainsi, Charles Suaud, sociologue, publie en 1978 La vocation. Conversion et reconversion des prêtres ruraux (Éditions de minuit). Une réflexion fondamentale. Jean-René Chotard, en 1977, écrit : Séminariste… Une espèce disparue ? Histoire et structure d’un petit séminaire. Quérande (1822-1966). Québec, éd. Naaman. Faute d’y avoir un accès direct, on lira avec intérêt le compte-rendu qu’en fait Claude Langlois sur la Toile. Et, plus proche de nous, Bernard Coudrais publie en 1991 L’Éducation dans un petit-séminaire, aliénation ou libération ? : Chateaugiron 1908-1973. Thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, Université de Lyon 2. Répertorié, mais, semble-t-il, non publié. Si vous parvenez à le consulter, faites-en un compte-rendu pour le blog ! Par ailleurs, un blog consacré au petit-séminaire Saint-Vincent de Pont-Croix (Finistère) propose un historique (René Gougay) et aussi un témoignage (en 2002) d’un ancien élève (François Coatmeur, par ailleurs auteur de romans policiers) :

http://konchennou.over-blog.com/article-3187641.html

Enfin, centré sur le problème de la maltraitance — laquelle n’est ni l’exclusivité des petits-séminaires, ni généralisable — voici aujourd’hui le témoignage personnel, douloureux et sincère, qui fait le titre du présent article. Une croix sur l’enfance en Vendée de Jean-Pierre Sautreau, éditions La Geste, 2018 (198 p. 18 €). Nous voici à nouveau en Chavagnes-en-Paillers en Vendée. L’auteur présente son livre en ces termes : « Je relate [dans mon livre] le basculement d’une décennie heureuse dans une très longue période d’enfermement physique et psychologique au séminaire. L’année de mes 11 ans [1960], j’ai été étonnamment recruté pour devenir prêtre. Je me suis retrouvé avec une centaine de gamins, en sixième, à Chavagnes-en-Paillers. J’ai vécu six ans d’exil comme un véritable arrachement, des miens, de mes copains, de ma vie ordinaire.(Etc.) Vu le ton du livre, on pourra toujours me dire : moi, je n’ai pas vécu cela. Je l’admets, ça reste un récit individuel. Mais qu’on ne me dise pas que c’est complètement faux. (…) L’ironie de cette histoire, c’est que je dois à ces années d’enfer, le bonheur de l’écriture. » Extraits de Ouest-France (éd. de Luçon) 27 / 09 /2018.

Présentations sur la Toile. Taper Jean-Pierre Sautreau, Une croix sur l’enfance. Ou bien :

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/chavagnes-en-paillers-85250/temoignage-une-croix-sur-l-enfance-en-vendee-recit-glacant-5989384 et:

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/la-roche-sur-yon-85000/vendee-des-affaires-de-pedophilies-secouent-le-diocese-6045923

L’éditeur : http://www.gesteditions.com/recits/temoignages/une-croix-sur-l-enfance-en-vendee

Enfer pour certains, paradis pour personne, chacun aura vécu cette expérience d’enfance de façon personnelle et inaliénable. C’est ce qui fait l’authenticité de ce livre.

*

En conclusion, s’agissant plus largement des récits d’enfance, je vous invite à lire ou relire le chef-d’œuvre de Jules Vallès, L’enfant (ainsi que Le Bachelier). Dans sa préface à L’enfant (éd. Le Livre de poche), Philippe Bonnefis invite le lecteur à penser l’enfance. « Cela n’a de réalité, l’enfance, cela ne prend de sens qu’après coup. Ce n’est d’ailleurs qu’un mot d’homme fait : une pensée, une préoccupation d’un autre âge. (…) De là la nature si particulière de ce que l’on appelle à tort des souvenirs d’enfance. Ils expriment un regret, sans doute, mais l’expriment sur le mode de l’espérance. » Pourtant, comment parler « d’espérance » quand la lecture donne à entendre un désespoir ?

Lorsqu’en place du regret prévaut la souffrance — celle de Jules Vallès autrefois, celle de Jean-Pierre Sautreau aujourd’hui —, lorsqu’en place du respect de l’intime prévaut l’agression, alors la transmission écrite, le témoignage, laissent malgré tout une place, en contrepoint de la plainte légitime et de l’appel à justice, à de « l’espérance ». Contrairement à l’enfance biologique, l’enfance proprement humaine n’est pas une période temporelle close. Elle accompagne l’histoire de l’adulte. L’enfance ne se réduit pas non plus à un développement biologique individuel ; elle est toujours une relation avec des adultes, parents et éducateurs. Sa re-présentation ultérieure dans un récit est, comme toute histoire, une rétrospective constamment renouvelée de ces relations à la mesure de ce que l’on est devenu. Le récit dit ce qui nous importe maintenant. Enfin, le récit d’enfance dit aussi cette projection de soi dans l’avenir qu’est la filiation « symbolique », ce projet d’enfance pour autrui que l’on cherche à léguer à la génération suivante. Donné à lire à d’autres, dans ce que Jean-Pierre Sautreau appelle le « le bonheur » (paradoxal) « de l’écriture », le témoignage est en même temps qu’une forme de résilience personnelle l’« espérance » d’une autre enfance à venir, d’une meilleure enfance, d’une enfance respectée. « Cette petite fille espérance. Immortelle » (Charles Péguy).

Jean-Yves Urien

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