Théophraste. Quoi de neuf au cimetière ?

La gazette de Théophraste     Par Elie Geffray

Quoi de neuf au cimetière ?

À l’approche de la Toussaint, nous ne pouvions pas manquer l’effervescence annuelle du cimetière où nous avons rencontré Edmond qui flânait en rêvassant dans les allées pendant que Yolande décapait et briquait la tombe de « nos parents défunts. » Comme c’est notre devoir d’informer, nous lui avons posé quelques questions. Interview.

L’Hebdo : « Alors Edmond, on te voit ici tous les ans quelques jours avant la Toussaint. Qu’as-tu remarqué cette année ? Quoi de neuf au cimetière ? »

Edmond : « C’est calme. Cette année, on compte une douzaine de nouveaux arrivants. C’est dans la moyenne. La COVID dont on a tant parlé n’a pas provoqué d’embouteillage ici. Et puis, je remarque une chose, il y a eu autant de femmes que d’hommes. Je ne sais pas qui gère la chose là-haut, mais la parité a été respectée. Les féministes n’auront rien à redire. »

L’Hebdo : « La moyenne d’âge a-t-elle augmenté ? »

Edmond : « On meurt de plus en plus vieux. Cette année, près de la moitié des nouveaux avaient autour de 90 ans. Il y a même eu un cas de 99 ans. Mais en se déplaçant dans le cimetière, on voit que d’après les tombes anciennes, on décédait beaucoup plus jeune autrefois. On en parlait justement dimanche dernier au « Haut-Débit » avec mes copains : nous, on a eu moins de travail physique, on a eu plus de confort et on a été mieux soigné. Alors on vit plus longtemps. »

L’Hebdo : « Tu parlais à l’instant du « Haut-Débit ». Est-ce que ce n’est pas un allié du cimetière si on le fréquente trop ? »

Edmond : « Pas du tout si tu t’en tiens à la règle des « deux tournées » indispensables pour la bonne camaraderie et pour ne pas s’en aller en boitant. Mais pas plus, à moins de circonstance exceptionnelle. Et c’est tellement bon pour le moral. Et quand on a le moral, on vieillit moins. Et le cimetière nous attendra plus longtemps grâce au « Haut-Débit ».

L’Hebdo : « Plus sérieusement, as-tu remarqué une évolution sur le style des tombes ? »

Edmond : « Oui, la plus visible, c’est le nombre des incinérations. Il y en a de plus en plus. Moi-même, j’ai choisi cette solution. Yolande n’est pas d’accord, à cause de la religion - qu’elle dit. Mais moi, je trouve l’incinération plus propre. Je ne me vois pas envahi par les vers pour me pourrir la vie jusqu’au-delà de la vie. »

L’Hebdo : « Au-delà de la vie, dis-tu. Mais parlons-en de « l’au-delà. » D’après toi, qu’y a-t-il après la mort ? »

Edmond : « Tu ferais mieux de poser cette question à Yolande. Elle, elle croit dur comme fer au paradis et elle fait tout pour ne pas le rater. Moi, je ne crois qu’à ce que je vois et à ce que je peux vérifier. Et là-dessus, on ne peut rien dire. Je n’ai pas de preuve que ça existe, et je n’ai pas de preuve non plus que ça n’existe pas. Alors, on fonce dans le brouillard. »

Théophraste : Comme disait le chat de Philippe Geluck : la vérité appartient davantage à ceux qui la cherchent qu’à ceux qui la trouvent. ! »